mardi 1 avril 2008

Pâquerettes et vinaigrette à Baskinta

Le paysage évoque la toile d’un peintre impressionniste. Des cerisiers en fleurs, un tapis de pâquerettes, quelques boutons d’or… Quand un timide rayon de soleil perce les nuages lourds de pluie, on dit ici que « les souris se marient ». Alors les enfants turbulents partent à la recherche de ces improbables épousailles et les adultes, enfin tranquilles, peuvent boire le café sur la terrasse face aux neiges pascales du Mont Sanine.
Roxane m’a invitée dans sa maison de famille à Baskinta, village situé à 1200 mètres d’altitude dans le Metn. C’est son grand-père qui a bâti cette demeure en pierre ocre en 1901. Baskinta signifie en syriaque « la maison de la sagesse ». Appellation prémonitoire, puisque ce lieu de villégiature est aussi pays de littérature : les écrivains Georges Ghanem et Michaël Nouaymi, y sont enterrés. On voit le buste du second, ami intime du poète Khalil Gibran, taillé dans le roc. La main sous le menton, le romancier, semble contempler la vallée boisée qui plonge à l’Ouest. Sa maisonnette est encore debout, percée en son centre par le tronc d’un chêne.

Pendant la guerre civile, les chrétiens de la ville de Zahlé, assiégée par les Syriens de l’autre côté du col, venaient s’approvisionner en munitions à Baskinta. La famille de Roxane qui habitait à Beyrouth s’est elle aussi réfugiée dans le village du grand-père pendant les bombardements de la capitale, offrant ainsi aux enfants un an de « vacances ». Aujourd’hui, ce sont les grosses chaleurs estivales de la ville que les citadins fuient à Baskinta tandis que ses habitants eux, montent encore plus haut dans des hameaux abandonnés l’hiver.
Chaque année, le 8 septembre, la population de la région monte en cortège jusqu’à la chapelle Sadet el Khallé (sachant que Khall signifie vinaigre, je traduis le nom de cet édifice religieux par Notre Dame de la Vinaigrette sans toutefois saisir exactement la nature du lien existant entre la Vierge et le condiment). Nous suivons le sentier fleuri jusqu’à cette susdite chapelle de Notre-Dame-de -la-Vinaigrette, découvrant au passage, des brins de thyms sauvages que nous cueillerons pour la salade du déjeuner. Est-ce la présence de cette plante aromatique sur le chemin qui serait à l’origine de cette fameuse histoire vinaigrette. Je me plait à l’imaginer.

Roxane est la plus jeune d’une famille de quatre. Le choix des prénoms de enfants m’intrigue : il y a d’abord Rodrigue et Chimène (comme les héros du Cid de Corneille), Roxane (comme l’héroïne du Cyrano de Rostand) et… Chantal. Pourquoi ce prénom si plat après avoir opté pour d’autres si connotés. « Parce que le prénom commençait par les mêmes lettres que Chimène », me répond la famille. Certes !

Sur les murs de la vieille maison familiale sont accrochés les paysages immortalisés par Rodrigue qui est à la fois photographe professionnel et randonneur amateur. Malheureusement une maladie dégénérative de l’œil le rend progressivement aveugle. Cruel destin pour un homme de l’image.

Les cerisiers frissonnent, le crépuscule rend les gens plus tendres. Il faut quitter Baskinta.

Au moment du départ, je cueille une pâquerette pour l’effeuiller lentement dans la voiture et m’assurer que mon amoureux m’aime toujours. J'arrache le dernier pétale blanc sur « passionnément ». Sans tricher !

1 commentaire:

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