jeudi 6 décembre 2007

L’hirondelle s’est isolée dans un monastère. En silence. En Syrie.

J’ai signé
Depuis près de dix ans, le père Paulo me propose une retraite en silence dans la communauté qu’il a fondée, en Syrie, au nord de Damas. Après moults hésitations, j’ai fini par dire oui. Et j’ai rejoint Mar Moussa, un dimanche soir de novembre.

Paulo
Il a la tête de Moïse et la voix de Pavarotti. En 1982, jeune jésuite romain, Paulo Dall’Oglio étudiait l’arabe à Beyrouth. En pleine guerre, il décide de faire une retraite spirituelle et se retrouve en prière dans les ruines d’un ancien couvent isolé dans le désert syrien. Le monastère date du VIe siècle mais fut abandonné dans la première partie du XIXe. Lorsque Paulo y séjourne la première fois, le bâtiment juché sur un éperon sert de bergerie, les fidèles de l’époque sont les chèvres du vallon, le toit s’est effondré et les magnifiques fresques colorées de l’église se trouvent cachée derrière des enduits. Mais Paulo sent que sa vie va s’écrire dans cet univers de rocher et de sable.
Dès 1984, les travaux de restauration commencent, une communauté se fonde, reconnue en 2005 par le Saint-Siège. Non sans mal. Car le projet chiffonne en haut lieu. Pas banal une communauté où se côtoient hommes et femmes, maronites, catholiques, grecs-orthodoxes, melkites…et en plus est engagée dans le dialogue islamo-chrétien. Elle conjugue la vie spirituelle comme absolue, le travail manuel comme mode de vie et l’hospitalité dans la tradition abrahamique.

Une semaine de silence
La vie est âpre à 1400 mètres d’altitude. On se chauffe au poële, les textes sacrés dansent sous les yeux à la lumière des bougies. Cinq heures de méditation par jour avec au programme, les Psaumes et l’Evangile de Saint-Marc. J’ai vite remisé au fond du sac mon MP3 et le roman pourtant excellent que j’avais entamé (Trois médecins de Martin Winkler).
Sortie du cadre de l’Eglise depuis déjà quelques années, je me demandais ce que je fabriquais là avec cette perspective de solitude, l’aridité des textes bibliques… Seule certitude, je savais que Paulo n’essaierait pas de « me récupérer ».
« On va chercher Dieu et tu vas aller ton chemin », m’a-t-il annoncé d’emblée. Et la méditation finalement c’est comme la randonnée, les premiers pas sont terribles et puis on acquiert un rythme.
Le matin, je grimpe le long du wadi, m’assoie sur une pierre avec le chien du monastère qui me suit en ballade et tous les deux, on s’enfonce dans le silence. Lui, je ne sais pas trop à quoi il pense ; moi, je me laisse porter par les échos des textes sur ma petite existence et sur mes grandes questions. La cloche du déjeuner sonne à 14h30. La vocation d’accueil du monastère attire des gens de tous horizons : habitants du coin, étudiants d’Alep, simples touristes, expatriés installés à Damas, Onusiens, mystiques authentiques ou paumés déboussolés, marcheurs ou glandeurs. C’est selon. Dans l’après-midi, chacun à notre tour, (nous sommes trois retraitants), nous débriefons nos découvertes ou nos doutes avec Paulo. J’aime les homme de foi qui savent aussi dire « je ne sais pas » et qui n’ont pas réponse à tout. Le soir, pendant la messe, Paulo n’hésite pas à poser des questions à la petite assemblée, histoire de réveiller un peu le fidèle assoupi à cause de la chaleur du poële et de l’ambiance feutrée de cette chapelle si belle ! C’est le côté provocateur du bonhomme. Des débats s’instaurent parfois. Un soir, trois chaldéens d’Irak apportent leur témoignage (l’un d’eux a été enlevé quelques jours par Al Qaeda). La contemplation n’exclue pas la réalité, au contraire. Mar Moussa est au cœur de bien des problématiques de la région. Et Paolo n’est pas le dernier à donner son avis.
Je l’avoue, je le confesse, j’ai triché un peu sur le silence pour écouter le récit de vie de ma co-retraitante qui fit les 400 coups pendant quatre ans avant mettre un terme à son parcours mortifère et pour discuter avec jeune Breton, berger l’été écrivain l’hiver, qui avala des milliers de kilomètres à pieds entre Nice et Jérusalem. Il avait le regard doux et serein du voyageur qui semble toujours fixé sur un horizon à atteindre. Quant à la violation de la règle du silence je venais de lire l’Evangile ou Jésus affirme : « le sabat est fait pour l’homme et non l’homme pour le sabat ». Alors !

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