vendredi 15 février 2008

secousse

La commémoration du 14 février aurait rassemblé un million de participants. Annoncée comme la manifestation de tous les dangers, elle prit l’allure d’une joyeuse kermesse. Le climat était bon enfant et pluvieux. Les drapeaux libanais rouge et vert côtoyaient une forêt de parapluies noir. Je vis un soldat hisser un môme sur les épaules de son père, une jeune fille maquillée aux couleurs des Forces libanaises et des organisateurs juchés sur un container balancer des bouteilles d’eaux à la foule.
Les discours se sont enchaînés célébrant l’unité, la nécessité d’élire un président, de mettre en place le tribunal international et fustigeant l’Iran comme la Syrie. Des barbelés séparaient prudemment la foule réunie à l’instigation de la majorité des tentes occupées par l’opposition. Toute étincelle entre les deux camps étant susceptible de transformer la kermesse en cauchemar. Et puis chacun est rentré chez soi. Trempé.
La secousse politique pronostiquée n’eut pas lieu. En revanche, une secousse tellurique a ébranlé Beyrouth ce matin et accessoirement mon studio. Je révisais mes conjugaisons d’arabe quand la table a commencé à vibrer. Un livre est tombé. Je suis restée bêtement à compter les secondes, paralysée. Un mail de mon prof m’annonçant que son appartement situé au 11e étage tanguait comme dans une fête foraine m'a sorti de ma torpeur. J'ai descendu quatre à quatre les escaliers pour aller manger une salade au café Prague. Sur l’ardoise, à la place du plat du jour, une citation de Brecht était inscrite à la craie: War is like love, it always finds a way (La guerre comme l’amour trouve toujours un chemin). Il y a des jours comme ça où rien ne tourne rond sur la terre. Alors il faut regarder la mer.
Sur la corniche, deux amoureux se bécotaient. Leurs baisers devaient avoir un goût de sel. Un groupe de femmes bien en chair et en survêtements tentaient de perdre leurs kilos superflus en marchant le plus rapidement possible. A chaque pause, elles grignotaient des graines de tournesols grillées et épluchaient des pistaches. Des pêcheurs m’ont souri. Accoudée devant les flots, j’ai laissé mon esprit divaguer sur la crête des rouleaux et l’écume blanche a englouti mes idées noires.

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