lundi 17 septembre 2007

soirées culturelles à Beyrouth

Soirée flamenco à l’Unesco où se produit la troupe Sacramento. Le public est endimanché, les brushings impeccables et les parfums tenaces. Une brochette de notables en costard quitte la salle au bout d’une demi heure, ils se sont montrés, ils peuvent se passer du spectacle. La danseuse espagnole tournoie, superbe en jupon et caraco orangé. Elle virevolte, frappe des mains, des pieds. Le danseur impressionne par sa technique. Manquent l’âme, la séduction… L’amphithéâtre majestueux ne sied pas à cette danse de gitans. Un bar, un jardin seraient plus propice à l’exaltation des émotions. Le flamenco est une danse de la colère alors que le tango exprimerait la passion, la salsa l’énergie et le zouc ??? Là, je demanderai à P., expert en la matière.

Soirée marionnettes au couvent de Chawye (1596), perché à 700 mètres au dessus de la mer, dans la fraîcheur du Mont-Liban. Une ligne rose au-dessus de la mer violette retient la nuit. Mon ami Georges coorganise la soirée. Un regard doux derrière des verres épais, un air de vieux garçon, des costumes sages et taillés un peu larges, Georges est un personnage proustien. D’ailleurs, sa sœur aînée s’appelle Albertine. Je déjeune dans leur maison familiale de légumes frais du jardin et je cause… Sarko avec la cadette Pierrette qui vit en France. Les enfants d’Albertine ont également opté pour l’exil : l’un aux USA et les deux autre à Dubaï. « Pas d’avenir au Liban », soupire leur mère avec un sourire las. Si le peuple libanais a toujours voyagé, dorénavant c’est une hémorragie, les départs pour Qatar par exemple ont été multipliés par sept ces derniers mois.
Georges, lui, a été directeur d’école dans un village libanais pendant la guerre (1975-90) puis responsable des Orphelins d’Auteuil à Paris et le voila producteur culturel, chargé d’importer des artistes français au casino de Beyrouth. Mais les attentats et le conflit de l’été 2006 ont gelé les projets. Georges est déprimé. Alors il se replie sur des initiatives plus modestes comme ce spectacles de marionnettes pour adultes créé par deux jeunes artistes Eric Deniaud et son assistant Aurélien à partir de textes du dramaturge roumain Matei Visniec. C’est drôle et cruel, ça parle de la peur d’être libre, de lavages de cerveaux, de totalitarisme. Les marionnettes avec leurs yeux exhorbités et leur cou de girafe dégagent beaucoup d’humanité… …

Soirée Caramel Enfin je vais voir ce premier film (il passe aussi en France) d’une réalisatrice libanaise qui a voulu montrer Beyrouth autrement que sous le prisme du conflit. Je suis déçue. Trop de clichés, de bavardages sans respiration. La trajectoire de ces femmes travaillant ensemble dans un institut de beauté à Beyrouth reste lisse. L’amoureuse d’un homme mariée à la recherche d’un hôtel acceptant de fermer les yeux sur un adultère, la fiancée inquiète (j’avais écrit paniqué mais c’est mon inconscient qui parlait trop fort) parce qu’elle n’est plus vierge, l’homosexuelle bourrue en quête d’âme sœur…Il manque un grain de sable, pour sortir du stéréotype. Une scène m’a cependant touchée : cette belle, sur le retour, qui passe des castings sans y croire vraiment, supporte toutes les humiliations et exhibe de fausses « règles » pour faire croire qu’elle est encore jeune.

La patience est mère de toutes les vertus….
En France confier ses valises au fret est une affaire de 20 minutes. Au Liban c’est un peu plus compliqué. Il me faudra trois bonnes heures. Un ami libanais m’accompagne précisant dans quelles mains glisser les bakchichs pour récupérer mes colis. J’ouvre le porte monnaie et j’arrête de compter. Ensuite il faut parlementer, sourire, patienter et surtout ne pas s’énerver sinon on se prend 30 minutes d’attentes en plus dans les dents. Je passe d’un guichet à un autre, du cinquième étage au sous-sol ; j’accumule les papiers jaune, rose et vert, les timbres, les signatures…. L’impression d’être une boule de flipper lancée dans un labyrinthe bureaucratique. J’ai lu dans la presse locale que l’Union européenne et la Banque mondiale finançaient les réformes administratives au Liban. Ça urge !

La méthode sans larmes
Alléluia, j’ai trouvé le prof d’arabe idoine…un Français, pédagogue, bilingue, marié à une Libanaise ayant l’ambition d’ouvrir une école de langue. Je vais lui servir de cobaye. Il a déjà mis en ligne une méthode récupérée sur des manuels conçus par un vieux religieux de la congrégation de Charles de Foucault. Un certain Jean Leroy, aujourd’hui, âgé de 80 ans, qui a hébraïsé son nom et se trouve l’autre coté du fleuve Litani, dans un couvent à Jérusalem (c'est-à-dire en territoire ennemi). Mais Internet se fout des frontières conflictuelles et mon prof de Beyrouth correspond régulièrement avec l’octogénaire en Israël pour lui demander conseil dans l’adaptation de son manuel.
La méthode s’appelle « les cours d’Abou Youssef ou l’arabe sans larmes (sic)». C’est certain, je rigole davantage que je ne pleure en feuilletant le manuel : l’auteur explique ainsi que telle lettre arabe est un « son vague qui navigue suivant les gens et les régions »
Depuis hier, j’annone à haute voix les dialogues d’Abou Youssef sur la terrasse, dans la cuisine, et sous la douche. Mes voisins qui partageaient jusqu’à présent mes disques de salsa et de zouc doivent penser que j’ai viré ma cuti à l’approche du ramadan. Répéter les phrases de « la méthode sans larmes » ou psalmodier le Coran, la confusion est possible.
Le Ramadan commencent en effet jeudi et déjà la rue Hamra se couvre de drapeaux blanc et vert. Dans le journal L’Orient le Jour, un article met en garde les diabétiques contre le jeun…
Cette abstinence alimentaire sera-t-elle un élément apaisant ou au contraire un facteur de tension à l’approche des élections présidentielles par les députés à la fin du mois. Pour le moment du cafetier au secrétaire du ministre de la justice en passant par les quelques amis libanais interrogés, l’heure est à la confiance vigilante. Mais au Liban, tout peut arriver !

Aucun commentaire: