dimanche 23 septembre 2007

Urbanistes-dentistes...


Beyrouth ressemble à la mâchoire d’une vieille femme ; elle conserve quelques dents encore saines à l’image de ces maisons levantines en pierres de taille, souvent bosselées, qu’allègent d’élégantes arcades ocres surplombant un balcon. Des citronniers y fleurissent, un jasmin s’entortille sur une colonnade, il fait frais à l’intérieur sans recourir à la climatisation. L’après midi, à l’heure de la sieste, les volets verts sont fermés ; le soir, on vient y siroter un arak et picorer des pistaches. Beyrouth s’est offerte plusieurs « bridges » à prix d’or, dans des quartiers comme Verdun ou le long de la corniche. Elle arbore alors ce sourire artificiel de ceux qui se font refaire la dentition. Immeubles rutilants qui s’élancent vers l’azur et dont les parois de verre scintillent sous le soleil. Profusion de luxe indécent. Gratte-ciels sans âmes proche cousins de Manhattan ou de la Défense. Leurs arrêtes acérés ne conviennent ni au caractère émollient d’une ville de bord de mer, ni à la langueur orientale. Et puis, restent quelques caries. Anciennes demeures percluses d’obus, dont les étages pendouillent les uns sur les autres. Carcasses à l’abandon. Squelettes macabres traversés de bouts de fers rouillés qui tentent de retenir un plafond ou un plancher. Témoins d’une époque pas encore complètement révolue, ces habitations tenaces incarnent la mauvaise conscience que les urbanistes de l’époque Hariri, dans leur hystérie de rénovation, n’ont pas réussi à arracher.

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