mercredi 21 mai 2008

Aujourd'hui le coeur est à la fête

Eh ben voilà ! Enfournez dans un avion toutes les parties en conflit, faites les rôtir sous le soleil de Doha, ajoutez une bonne dose d’exaspération de la population libanaise, décortiquez les problèmes essentiels, ôtez les politiciens de leur environnement milicien, faites-les marner dans leur jus et vous obtiendrez : une élection présidentielle prévue pour dimanche, la formation d’un gouvernement d’union nationale (16 ministres pour la majorité, 11 pour l’opposition et 3 nommés par le chef d’Etat libanais), l’adoption de la loi électorale de 1960, la levée de l’occupation du centre-ville qui durait depuis plus d’un an et l’engagement des uns et des autres à ne pas utiliser les armes pour résoudre leurs différends politiques.

Soixante-cinq morts et deux cents blessés, selon le bilan officiel, pour parvenir à cet accord sans compter les traces laissées par les combats récents qui se superposent et réactivent une mémoire de la guerre civile jamais apaisée car non encore dégoupillée. Seuls certains mouvements de la société civile tentent de faire émerger cette mémoire conflitcuelle en établissant les faits, en constituant des archives, en suscitant les témoignages… Mais, blanchis par l'amnistie générale de 1991, les chefs de guerre de l’époque n'ont pas lâché le pouvoir. Erigeant l'oubli comme politique, ces zaïms font tout pour verrouiller la boite de Pandore qui risquerait de leur péter à la figure.

Allez aujourd'hui, le cœur est à la fête, Beyrouth soupire de soulagement. Pourtant les cicatrices sont plus profondes que les quelques impacts de balles dessinant des étoiles dans certaines vitrines de Hamra.
Journaliste, Mona travaille dans un quotidien d’opposition. Coquette et chiite, elle est fidèle au même magasin de fringues dont la patronne est sunnite. Cette « identité » communautaire n'a jamais empêché ni la première d’acheter ni la seconde de vendre ni les deux de papoter amicalement. Mais cette semaine, quand ma copine rentre dans le magasin, à son « marhaba » répond un silence glacial. La patronne lui jette : « nous allons vous traquer jusque dans vos maisons, vous et vos amis du Hezbollah. Et nous vous tuerons ».
Vocabulaire de la colère, mots exutoires certes, mais chargés d’une telle violence !

Allez, aujourd’hui, le cœur est à la fête, Sirène nous annonce un bébé pour janvier. Si les tentes du centre-ville sont démontées, si les restaurants branchés qui ont fermé à cause de l'occupation de l'opposition depuis 2006 ouvrent leur porte, on ira place de l'Etoile porter un toast à la paix, à la reprise économique et au futur rejeton de Sirène et Bassem.

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