lundi 12 mai 2008

La première communion

Malgré les événements, la Première communion de Camille est maintenue, à l’Eglise St Antoine de Padoue, dans le quartier de Sin El Fil. Un taxi m’extorque le double d’une course normale pour traverser la ligne de démarcation entre l’Est et l’Ouest.
Dans ce Beyrouth chrétien et francophone flotte un air de France des années 60. On s’appelle Charles, Rosette, Jocelyne, Thérèse. On fait reprendre son tailleur chez le « stoppeur ». Les communiants sont en aubes et les communiantes portent des couronnes de fleurs. Dans cette église moderne et claire, je me recueille, prenant soudain conscience qu’au cours de cette nuit terrible du 8 mai, pas un moment je n’ai pensé à Dieu. Il est si loin, ou plutôt, je suis encore si loin de lui…

Depuis quelques temps, l’Eglise libanaise a « confisqué » l’organisation des communions aux écoles afin qu’elles se fassent dans les paroisses. Les mauvaises langues diront qu’elle récupère ainsi un marché lucratif. A l’offertoire, après le pain et le vin, le prêtre présente une corbeille de fleurs et un drapeau libanais. Ce geste aurait heurté ma sensibilité laïque ailleurs. Mais dans ce Liban au bord de la guerre civile, où l’Etat se cherche, la réaffirmation par les croyants de leur attachement à la nation me semble un geste symbolique pertinent. D’autant qu’il s’accompagne de prières pour la paix.

Nous allons déjeuner dans un restaurant immense et impersonnel. La moitié des convives invités sont présents, ceux de la Bekaa n’ont pu descendre car la route est bloquée. Assise face à un journaliste de la Voix du Liban - radio plutôt proche du gouvernement - j’en profite pour me faire préciser la composition de l’Armée dont l’attitude pendant les derniers événements fut pour le moins ambiguë. « Parmi les officiers tu as 40% de chrétiens. Les 60% de musulmans se répartissent à égalité entre chiites et sunnites. Parmi les soldats, on compte 40% de chiites. C’est pourquoi, l’armée s’est montrée neutre voire complaisante face au coup d’Etat du principal parti chiite », m’explique F. Pour détendre l’atmosphère on évoque aussi ce DJ qui sévit l’après midi sur Radio Liban et dont les propos décousus me font souvent penser qu’il a du s’enfiler quelques joints avant de prendre le micro.

Camille a reçu beaucoup médailles du christ et de la vierge. Je lui ai offert Le petit Nicolas de Goscinny. Je vois qu’il a délaissé la Bible illustrée et autres livres édifiants pour se plonger dans mon bouquin. Il se marre comme moi à son âge.

Dans toutes les fêtes de ce genre, on mange beaucoup et on boit trop. Peut-être plus encore aujourd’hui, dans ce présent précaire. Chacun yeute discrètement l’écran de télévision au coin du restaurant pour suivre l’actualité : combats dans le Nord à Tripoli, à Aley, dans le Chouf entre les partisans de Joumblatt et ceux de son rival Arslan associé à l’opposition… A Beyrouth on respire mais ailleurs on a peur.

1 commentaire:

Unknown a dit…

Pas une nouvelle sur RFI à propos du Liban qui me fait penser que l'hirondelle est là-bas sur place, ses proches, ses très proches ici à Paris ou ailleurs...
Sans vraiment savoir comment te joindre, par téléphone, par la famille, m'est revenu le souvenir des carnets.. en ce lundi de pentecôte, je m'y plonge et en profite pour te saluer amicalement.

JFD