mercredi 14 mai 2008

Tous ces fous mangent du vent

La vie reprend, convalescente.
Chacun pose doctement son pronostique. Zico estime que le gouvernement a titillé le Hezbollah pour le faire sortir de son trou et le pousser à se compromettre en tirant sur des Libanais alors que ce parti avait promis de ne jamais retourner les armes contre son propre peuple, réservant son feu à l’ennemi israélien. Pour mon propriétaire, ex-milicien communiste pendant la guerre civile et souvent assez bon analyste, le Hezbollah a donc vaincu militairement mais perdu en légitimité. «Ensuite, dimanche, en s’attaquant à la montagne druze et à Walid Joumblatt, le parti de Dieu a voulu élargir le glacis protecteur de la Dahye dans la banlieue sud », affirme Zico qui prophétise des négociations rapides puisque toutes les cartes sont sur la table.
Pour Michel, le silence étonnant des Etats-Unis, qui ne manquent jamais l’occasion de lancer des diatribes anti-Hezbollah, fait penser à un deal américano-iranien. Certains l’ont compris et en tirent les conséquences en rendant les armes comme Joumblatt, certains l’ont compris et hésitent comme Hariri et d’autres l’ont compris mais veulent résister à l’instar de Geagea. Si ce dernier s’entête, alors on aura un deuxième round.
Mohammed, un homme en chaise roulante que l’on croise souvent à Hamra me confie, poète, « tous ces fous mangent le vent ».
Quant au chauffeur de taxi, il peste contre les sacs de sables et les barbelés qui font ressembler la conduite à un gymcana.

Partir ou rester. L’aéroport est toujours fermé. Les motivés passent en Syrie par la route du Hermel. Mon amie Hala, engagée par l’Onu pour travailler au Kosovo, a tenté sa chance dès samedi. Elle doit être en France aujourd’hui. Mais les listes d’attente sont longues pour partir de Damas. Charles ira plus loin, en Australie où il compte monter un restaurant gastronomique...chinois. Moi je reste. Le Liban m’a tant donné depuis neuf mois que je ne veux pas quitter le navire en ce moment. Comment le faire comprendre à ceux que j’aime en France.

Chaque soir, avec Leïla, nous faisons le point sur la journée au Baromètre, un bar ou l'on ecoute les chansons de Souad Massi, Marcel Khalifé, Ziad Rabbani et qui sert le meilleur Fattouche de Beyrouth. Je reçois un texto d’une amie journaliste. « Attention, le quartier se tend. Ne rentre pas seule ». Un client du bar, milicien du Parti Socialiste National Syrien se propose de nous ramener. En face de la maison, un blindé tient la garde. Je devrais être rassurée mais vu passivité de l’Armée jeudi dernier je le suis à demi.

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