samedi 17 mai 2008

De la vie, de la mort

« Mabrouk ! Ils se sont mis d’accord, vont rouvrir l’aéroport, peut-être élire un président et même débloquer le centre-ville ». Une rafale de bonnes nouvelles annoncées par la voix douce, grave et un peu traînante d’Iskandar. « Allez, on va fêter ça ! » Mon ami arrose la paix comme il arrosait la guerre hier, avec dérision et une infinie mélancolie.

Sur la route de l’aéroport, des militants du mouvement Khalas (arrétez) brandissent des pancartes à l'intention des politiciens libanais partis régler leur compte à Qatar : « Si vous ne vous mettez pas d’accord, ne rentrez pas !»
Les diplomates qataris ont réussi à réunir les freres ennemis en quelques jours, exploit que ni les efforts de l’émissaire de la Ligue arabe, ni notre Kouchner national n’était parvenu à relever. Ce nœud politique, apparemment si complexe, va-t-il se dénouer d'un coup comme celui du magicien qu'un souffle fait disparaitre ?

Dehors dans la rue, un jeune Palestinien m’offre une bougie à allumer à l’occasion des soixante ans de la Nakbah (la catastrophe). La naissance de l’Etat hébreux en 1948 commémorée dans la liesse chez les Israéliens est jour de tristesse pour les Palestiniens. Le vent éteint trop vite les fragiles flammèches qu’une poignée de militants tentent d’allumer au coin de la rue Jeanne d’Arc et de la rue Hamra.


La paix, la guerre la vie et la mort en concentré pendant une semaine.
Les grands et petits drames : les enfants de mon prof d'arabe, Camille (8 ans) et Cyril (12 ans), font aussi leur deuil. Ils ont perdu le poisson rouge offert à un anniversaire par un copain. L’animal a-t-il succombé au stress ambiant, au bruit des tirs d’armes automatiques ? « Hum, je crois plutôt que c’est une indigestion qui l’a fait clamser », confie le père. Un moment, ému par les hurlements du cadet, il a pensé subtiliser le poisson pour l’échanger vite-fait contre un jumeau en invoquant une prétendue résurrection. « Mais la mort fait partie de la vie et les enfants doivent un jour où l’autre y être confrontés, surtout ici ». Le paternel a donc juste proposé le rachat d’un cétacé. Avec son goût pour les démonstrations théâtrales et les paroles définitives, Camille proclame solennellement : « Jamais je n'aurai d’autre animal, celui-là est irrrrrremplaçable. » Cyril, davantage porté à l’intériorité, soupire : « C’est notre premier décès en direct. Grand-Mère, ca compte pas, c’était en France ».

Dehors, des klaxons annoncent la reprise de la vie normale à Beyrouth. Comme les embouteillages, je les accueille avec reconnaissance et soulagement.

Aucun commentaire: