dimanche 4 mai 2008

printemps culturel

Depuis quelques semaines, malgré l’assassinat à Zahlé de deux membres du parti Kataëb, malgré la polémique autour d’un réseau téléphonique illégal entretenu par le Hezbollah de Tyr au Mont-Hermel, malgré l’approche d’une nouvelle session du Parlement, le 13 mai, pour élire le président de la République, mes amis ne me parle plus de politique ! Place à la culture. Or ce printemps est riche en événements artistiques. Les Libanais sortent à nouveau d’autant que les prix des places pour ces spectacles sont tout à fait raisonnables : entre 5 et 10 euros.

Iskandar Habache, le critique littéraire du quotidien Al Safir a qualifié ce concert d’historique dans son éditorial. Le chanteur azéri Alim Qasimov se produisait avec sa fille, un joueur de tar (luth) et un autre de Kamanche (vièle). Le répertoire de Qasimov, d’origine paysanne, s’inspire de la tradition populaire et rurale. Il perpétue et renouvelle le mugham, cette poésie musicale qui mêle l’épique au spirituel en Asie Centrale et au Moyen Orient.
Assis sur de gros coussins colorés, les artistes s’accordent. Une courte introduction musicale, puis la main de Qasimov caresse son Daf (tambour) et la voix s’élève. Rauque, en spirale, elle semble sculpter le silence, occuper l’espace de la scène puis embrasser la salle toute entière. Un duo avec sa fille Fargana évoque les amours de Majnoun et Leila. Le chant est pathétique, désespéré, intense. Et pourtant, ma pensée s’évade. Je ne sais ce qui se passe dans la tête des autres spectateurs mais, en concert, chaque fois, mon esprit s’envole sur les volutes des notes vers des souvenirs, des ailleurs… Je suis loin, si loin... Et puis soudain, la lumière blafarde, le tonnerre des applaudissement, on se sens projeté, comme une boule de flipper, hors de cette magie musicale et mystique.

Le Festival de danse contemporaine s’achève. Dans l’ensemble, je reste frappé par la violence des chorégraphies présentées. Gestes saccadés, musiques souvent hachées, corps qui se heurtent. Peu de sensualité, d’harmonie ou de douceur. Peut-être les spectacles sont-ils le reflet de notre monde actuel ?

Au Théâtre Medina, le travail de la compagnie allemande Folkwang Tanzstudio, codirigée par Pina Bausch et Henrietta Horn, m’a éblouit. En particulier, Auftaucher qui met en scène cinq danseurs et cinq danseuses pour de multiples variations autour du couple, Attraction, répulsion, jalousie, impulsion, joie…
Au Théâtre Tournesol, une Libanaise réinvente le flamenco. Sur une bande sonore répercutant un bombardement et des tirs d’armes automatiques, elle danse seule sur la scène, éclairée par une lumière tamisée. Son corps est plein de colère retenue. Ses bras parfois se tendent brutalement comme si elle plantait une épée dans le dos d’un ennemi invisible. Elle piétine le sol avec rage. Elle danse la guerre...
Au Théâtre Monot, la musique pulse, sourde. Les danseurs de hip-hop évoluent à un centimètre au-dessus du sol. Parfois, ils dansent sur les silences et c’est encore plus beau. Le spectateur assis devant moi gêne ma vision. Il tourne la tête à droite, s’incline ensuite à gauche, puis à droite, à gauche. Le type devant lui gigote de façon asymétrique, à gauche, à droite, à gauche, à droite, comme les branches d’un essuie-glace. Moi-même, je me penche alternativement et inversement, à droite, à gauche. Et c’est toute la colonne des sièges situés dans le rang F du théâtre Monot qui oscillent en rythme, à droite, à gauche, droite, gauche.

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