mardi 2 octobre 2007

Eloge pour Damas

A la lumière blanche qui cueille le voyageur
A l’haleine brûlante qui le happe et l’étourdit
Aux colifichets des taxis damascènes :
œil de verre bleuté
drapeaux en nylon
croix du messie
croissant de lune
queues de lapin
Ils portent chance
Au Mont Qassioum posé à l’Ouest et à la plaine ouverte vers l’Orient
A la gare du Hedjaz et son train à vapeur qui crachote et cahote tous les vendredis
A ces vendredis languissant qui ressemblent à nos dimanches
A l’agilité sans égale de Bakdach et aux saveurs vanillées de sa crème aux pistaches
Son geste ample pour battre la glace
Au vieux luthier rabougri du souk Sarouja,
si ratatiné dans sa boutique minuscule que l’on dirait un cul-de-jatte
Au glou-glou régulier de tous les narguilés et à l’âpreté du tabac iranien
Au musée de Damas, ses statues hittites, assyriennes et romaines
A son gardien hiératique
Aux guirlandes fruitées des échoppes, au lait mousseux que l’on avale dans la rue
Au tailleur Ramez penché sur sa machine à coudre, surfilant l’uniforme kaki des soldats
A l’éclat des nuits damascènes quand le Qassioum s’illumine
et que des loupiottes vertes auréolent les minarets
Aux abricots confits fourrés aux amandes, noix et noisettes
Aux grenades pourpres
Aux femmes drapées de noir, éplorées sur la tombe de Roukaïa
Aux timbres de Feyrouz et aux vers d’Adonis
A Ghiath, ton toucher sur les cordes du Oud et sur le grain de ma peau
Aux effluves de cafés, de cardamomes, aux senteurs de jasmin sauvage
Au quartier kurde de Rouk ed din,
Aux chaises cannelées des cafés, aux marqueteries des échiquiers,
Aux fauteuils en skai du barbier
Au mausolée d’Ibn Arabi accrochée sur les flancs de Moheddin
A la silhouette fluette de son imam
A ce cimetière solitaire où tes pas m’ont conduit
Au père d’Imad
A l’oiseau que je t’ai laissé et aux larmes versées
Au souffleur de verre, son visage cramoisi lorsqu’il crache ses bulles irisées
Aux proverbes arabes qui ponctuent la journée
et terminent une conversation comme on ferme une parenthèse
A la Barada asséchée,
Au souvenir de ses flots enfouie dans la mémoire des vieux
A ta longévité
A ta victoire finale sur ton alepine rivale
A toi Damas si belle et souveraine

Aucun commentaire: